mercredi 2 novembre 2011




Tandis  que  Jules,  mon  voisin trisomique, courait après mon chat dans tout l’appart’, j’en ai recopié deux sur ma dernière facture d’électricité puis j’ai  claqué la porte. Au bout d’une heure, plus personne. Je me foutais complètement de savoir que Jules venait de se planquer sous les draps, un chapeau orange sur la tête, ou bien que ma consommation en énergie avait doublé en quelques mois seulement. Un technicien EDF avait proposé de passer pour faire le point, voir si je n’avais pas de problème de compteur ou s’il n’y avait pas moyen de mieux répartir ma conso. L’hiver avait été rude. Des pics à moins quinze, de nuit comme de jour, et j’avais eu très froid, malgré les radiateurs à fond et tout le dispositif électrique qui alimentait le bloc de polyuréthane où vivotait Margot! Depuis que l’on m’avait injecté ce fichu produit dans les neurones qui avait fait de moi une sorte de concept vivant, un avatar, une machine douée de raison, plus rien, ou presque, ne m’atteignait !

Aussi, cela n’a pas manqué d’attirer l’attention de ma banquière, une petite jeune en mal de reconnaissance qui  avait fait une étude sur Dali et son rapport au réel. La lettre envoyée stipulait en gros caractère gras un découvert de plus de 3000 euros, soit 18000 francs (je raisonnais encore en franc, avais même exigé que le prix de mes livres figure dans cette monnaie sur la jaquette. C’est ça quand on a un statut de VIP, on peut tout se permettre, enfin quasiment !). Je connaissais bien Laurie pour avoir plusieurs fois discuté de ça avec elle. La trentaine passée, elle recherchait essentiellement des hommes comme moi, avec un physique et un intellect irréprochables. Moi, bien sûr, modeste comme j’étais, lorsque j’entendais ça, je riais intérieurement : je connaissais ma vraie valeur, avais une conscience aigue de mes forces et de mes faiblesses lesquelles, très honnêtement, surpassaient de loin les premières et dans des proportions considérables. Le découvert, un de plus, apparaissait sous la forme de petits graphiques légendés. Soulignés en rouge, les trois derniers prélèvements EDF donnaient l’impression de flotter au-dessus de la feuille. Les sommes s’élevaient à plus de trois cent euros, ce qui était énorme, monstrueux.  : Y avait quoi dans la tête de Margot ? Un gros pleko. Un gros pleko tout argentés planqué derrière un drap blanc et portant un chapeau orange !

(Dessin au pastel sec de Pascale Mayeur-Sarr)

samedi 22 octobre 2011

Lectures en lignes!

A entendre et écouter sur le site des Editions de l'Abat-Jour (dans la rubrique "Nouvelles en ligne" - http://www.editionsdelabatjour.com):

- Une fin d'aprés-midi mathématique, par Guillaume Siaudeau.
- Pascal versus Shalom Auslander, par Sébastien Ayreault et Arma Benoît
- Ma maison d'papier, par Cécile Delalandre

vendredi 21 octobre 2011

L'histoire des deux tortues géantes (à entendre et à écouter sur le site des Editions de l'Abat-Jour!)

Au bout de trente minutes, un type sur ma gauche m’a fait signe de m’arrêter. La salle de conférence de la médiathèque était enfumée. Des gens dans le fond venaient d’allumer leur cigarette, malgré l’interdiction.

Au diable la rigidité cadavérique...



De toutes façons, j’avais fini, dit l’essentiel ou presque de ce que j’avais à dire. Et avais même un peu débordé ! C’était la première fois que je m’adressais de la sorte devant un public aussi nombreux, des jeunes d’un lycée de banlieue qui avaient effectué un travail sur la littérature de S-F  américaine des années 60. Leur prof leur avait fait lire quelques ouvrages, dont Ubik et Le maître du haut château. On m’avait demandé de leur faire un petit rappel, donc, quitte à bousculer les clichés et les idées reçues. Je pouvais parler de tout : drogues, alcool, sexe…

J’ai attrapé la bouteille de Vodka qu’un type me tendait et en ai bu quelques gorgées en me demandant quelle image ces jeunes conserveraient de moi ! Celle d’un cinglé !

En sortant, une petite blonde m’a fait signe de la suivre. Elle était franchement belle, avait des cheveux longs, bouclés. Un ange tombé du ciel !

J’ai commencé à délirer, à me débattre dans des zones marécageuses. La fatigue, l’effort d’une réflexion dense et ardue, un lien pas évident du tout entre un auteur de S-F américain qui considérait sa vie comme un songe et un philosophe de l’absurde pour qui l’homme était condamné à de vaines et inutiles révoltes, ça n’avait pas été simple, niveau argumentaire ! Tandis que je regardais Sonia, j’ai failli tomber en heurtant une chaise. La jeune femme m’avait pourtant dit de faire attention mais il était déjà trop tard. Elle a juste eu le temps de me saisir par la manche de mon blouson au moment où je perdais l’équilibre.

Impressionnante de vivacité.



Je lui ai emboîté le pas. On a traversé de longues et sombres coursives dans les sous-sols. La médiathèque, construite sur un pont suspendu me faisait penser au Bateau ivre de Rimbaud ! Bientôt, on s’est retrouvés dans une grande salle toute capitonnée. Y avait un de ces bordels ! Des chats, des chiens, un chimpanzé, un boa constrictor, un aigle des Pyrénées, ça en faisait du beau monde !

Je me suis installé dans un fauteuil en cuir noir, entre le chimpanzé et le boa constrictor.

- Je viens de lui faire sa mise en plis, a plaisanté Sonia.



Je me suis senti bizarre tout d’un coup. J’ai repensé à ce que j’avais bu. Au nombre de verres de Vodka que j’avais ingurgités tellement j’étais inquiet à l’idée d’intervenir en public. Mais non, je ne rêvais pas. C’était bien un boa constrictor qui était en train de s’enrouler autour de ma jambe, la gauche, la plus sensible, qui la serrait de plus en plus fort, au point que je ne pouvais remuer mon gros orteil ! D’une petite tape sur la queue, Sonia lui a intimé l’ordre d’arrêter de me martyriser. Bébert, c’était le nom du boa, a aussitôt desserré son étreinte en poussant un drôle de cri, déçu que les choses s’en arrêtent là, sans doute. Puis, il est allé se lover sous le canapé en tirant une de ces gueules. Ca avait eu l’air de l’amuser terriblement ! N’empêche, je me suis senti mieux, après, ai commencé à respirer à nouveau normalement. A prendre mes aises. Mais, les autres ont rappliqué, menaçants, certains montrant même les crocs ! Ca leur avait pas plu que je vire leur petit pote.



J’ai laissé passer l’orage puis suis allé me verser un verre de Vodka. Au passage, j’ai attrapé une olive verte dans une coupelle posée sur une table basse. Pour ce faire, il m’a fallu donner un grand coup de pied à Bébert qui avait recommencé ses conneries. J’en avais assez d’être le souffre douleur d’un serpent hystérique et visiblement mal dans sa peau, de me faire broyer la cuisse, sans compensation sexuelle ! Ce truc m’a donné confiance en moi. Un moment, j’ai même fiché la trouille au chimpanzé, lorsque je me suis levé pour aller ramasser un noyau d’olive par terre de peur que Bébert l’avale et s’étouffe avec. Je suis allé derrière un rayonnage de bouquins, là où on stockait les vieux nanars promis au pilon. O divine surprise ! Deux tortues géantes se faisaient l’amour, tête bêche, sur un bouquin de Brautigan.  J’ai enjambé la balustrade. C’était assez haut mine de rien, une dizaine de mètres, mieux que le record du monde de saut à la perche de Bubka ! C’était tentant quand même ! Alors, lorsque je me suis lâché, j’ai éprouvé une drôle de sensation. Ca a du durer quelques 10é de secondes, à peine. Une ivresse totale, absolue.

Mes deux tortues géantes sous le bras.

Depuis La nuit, toutes les nuits je vais dans le parc et je regarde les étoiles! Les étoiles sont jaunes… OK ! J’aime les étoiles

Je sais plus qui a écrit ça !

mercredi 21 septembre 2011

L'homme sans visage... de Pascale Mayeur-Sarr

Bourdonnements 2




  l’énorme batterie glissait sur ses deux rails, la rouille, dense, prés du filtre à air… cela va de pair avec le reste, il a dit… regarde… question de rythme, de cadence, et le danger que cela suppose, arracher les ailerons, soulever le bloc compact d’un seul et même mouvement rotatif, respiration bloquée, déposer le bloc sur le marbre (te ronge pas les sangs comme ça, ce n’est que le début il a insisté, t’as pas idée !)… les pantalons qui choient le long des guiboles, la trouille que le truc te pète à la gueule, un trou noir que tu tiens entre les couilles, il a dit, quel con, sous l’effort donc, la quantité d’énergie déployée, ce que ça m’en aura coûté de multiplier les prouesses, alors, la retrouver là, en contrebas, disparaître un soir, réapparaître le lendemain aux aurores à un endroit inattendu, de lui dire, encore une fois, gaffe Steph', je t’aurai prévenu, le lourd fracas, ce bruit d’étoffe qui s’abat lourdement, comment a-t-elle pu se retrouver là, (Verbatim Haute densité 3,44 MB)… peu importe, je me dis (à l’énergie, oui, à l’énergie !)… du coup, les intrigues et autres psychodrames, ce que je cherche, avant tout, je lui ai dit, un lieu, la pure condensation… ce sourire (gêné, comment le qualifier autrement, tandis que l’engin se dérobe à la manière d’un drone) là, l’endroit d’où la disquette (haute densité) a semble-t-il jailli (le petit promontoire sur la droite !)… canalisations et de voies transgressives (qu’est-ce qu’une disquette à haute densité 3,44 MB est venue foutre ici, bordel, il se prend la tête dans les mains, pas de panique Steph', j’ai dit, tu n’as encore rien vu, tu sais pas le boucan que ça va faire quand on en décryptera le contenu… ). Alors,  t’es sûr,  je demande quand même ?... la disquette elle a fait seule le trajet jusqu’ici ? Je sais pas, si elle a fait le tour du pâté de maisons, parce que le Yvon, mine de rien, ça fait un bail qu’il en cherche des Verbatim 3,44 MB, alors je vais te dire, il vire leur petite plaque de métal, là, les assemble sur un support en bois, format 0,70/0,65, et les refourgue à un pote, je sais pas pourquoi moi, t’en fais ce que tu veux, qu’il lui dit, parce que t’es mon pote et que tu te prends pas la tête, toi, t’es un mec clean ! Donc Si c’est du vol, alors permets moi de te dire que pour ce qu’il en fait (n’importe quel mec te jetterait en taule pour ça !)… je n’y décèle aucune matière à polémiquer… et je trouve ça beau finalement, ces assemblages de bois et de plastique, alors donc qu’aurait-il eu à décider d’un coup d’un seul de s’en débarrasser, comme ça à l’heure où je sors mes clebs en compagnie des mouches, mystère et boule de gomme, c’est un truc que je ne peux expliquer, c’est comme si, par exemple, je te demandais tes Altec Lansing en acier chromé et te les rendais sans y avoir touchées, tu vois, tu en conclurais ce mec, etc… Il a beau dire, et à juste titre, le Yvon, il a beau se vanter, habile comme un faiseur de sushis, qu’il vienne pas me dire là qu’il en sait rien non plus, que là il est en panne (comme lorsque l’on remontait de Mâcon !), ou bien que la disquette lui est tombée des mains, non… qu’il vienne pas me dire ça ou alors je ne réponds plus de rien !
Condensation, donc, je lui ai martelé ça ! Le Steph' n’a pas compris où est-ce que je voulais en venir… Expliques-toi… qu’est-ce que tu veux dire ?... Condensation ?... La batterie, les deux rails, la rouille, dense, prés du filtre à air… question de rythme… bon, s’agissait d’arracher les deux ailerons latéraux, donc, les plus résistants… de soulever le bloc d’un coup et de le déposer sur le marbre ! Pas un bloc de foie gras ! D’un mouvement rotatif, respiration bloquée ! La nuit, toutes les nuits je vais dans le parc et je regarde les étoiles… il a fait ! T’es con ! Les étoiles sont jaunes ( ou jeunes ?!)… OK ! J’aime les étoiles

vendredi 16 septembre 2011

Bourdonnements 1




Je ne me lasse pas de cette phrase : « … Ce n’est pas le bruit d’un avion. C’est le bourdonnement d’un insecte qui voltige prés de mon oreille : un insecte plus petit qu’une mouche, qui trace dans l’air quelques cercles sous mes yeux avant de disparaître dans un angle de la pièce obscure… ».(Murakami Ryû, Bleu presque transparent).

Dans son journal un médecin japonais qui, en 45, exerçait dans un hôpital de campagne, tout prés de Hiroshima, raconte l’effroi suscité par l’explosion de la bombe (原爆 gen'baku…). La vision du champignon atomique, une boule de feu coiffé d’un gigantesque nuage de fumée blanche. Puis, le silence. Et enfin cette question : qu’est-ce qui a bien pu provoquer ça ?

C’est ce silence que j’entends dans cette phrase. Son fantôme… Ce n’est pas le bruit d’un avion. C’est le bourdonnement d’un insecte qui voltige prés de mon oreille…

Une photo accompagne l’extrait. Une photo de la ville. Celle de Hiroshima. Et en dessous, un extrait d’un article de Camus paru un peu plus tard et dans lequel il exprime sa stupéfaction, son désarroi face à l’absurdité, à la bêtise des commentateurs de l’époque, fascinés par la performance du jour : une bombe de la taille d’un ballon de foot dotée d’une capacité de destruction hors du commun !

Bleu presque transparent… Comme le ciel avant l’explosion qui allait consacrer le mariage du ciel et de l’enfer. La bombe - 原爆 - le champignon… (kinoko) !





samedi 10 septembre 2011

ENFIN!

L'édito de Frank Joannic et Marianne Desroziers:

Après un numéro pilote, le vrai n°1 de la revue numérique et littéraire « L’Ampoule » est fin prêt : 119 pages, 18 textes et 9 illustrations originales autour du thème « Monstres & Merveilles », à lire et à télécharger gratuitement grâce au concours précieux de contributeurs de talent.

Il y est question de géant yougoslave semant la terreur (Rip), du grandiose Jérôme de Jean-Pierre Martinet (Marianne Desroziers), d’un peintre dément (Paul Sunderland et Laurent Fantino), de monstres nés du génie génétique (Philippe Sarr), d’artiste japonais suscitant l’épouvante (Pierre-Axel Tourmente), d’uchronie sud-américaine (Christian Jannone), de créature hantant les vaisseaux fantômes (Vlad Oberhausen), de l’esprit des tueurs (Salima Rhamna), d’aventures débridées winwintantes (Arnaud Guéguen et Pierre-Axel Tourmente), d’un château merveilleusement angoissant (Georgie de Saint-Maur), de bestiaires médiévaux (Constance Dzyan), de contre-utopie maya (Arthur-Louis Cingualte), d’évasion improbable (Christophe Lebon), du film gore Society (Marianne Desroziers et Laurent Fantino), de trafic d’organes (Alexandre Solutricine), d’un vieux chien monstrueux (Guillaume Siaudeau), d’Alice de Jan Svankmajer (Marianne Desroziers) et d’un crépuscule de fin du monde (Serenera). À noter également, des rubriques, des textes en collaboration et les dessins inspirés de Laurent Fantino et Shin.

Bref, un programme qui promet, qu’il est possible de commenter sans la moindre retenue à la suite de cet article sur le blog du Pandémonium Littéraire.

Et rendez-vous en décembre pour un n°2 au sujet alléchant, « Art & Danger »


Le numéro 1 de la revue l'Ampoule vient donc de paraître! Rendez-vous sur le site des éditions de l'Abat-Jour (www.editionsdelabatjour.com) pour la télécharger (c'est gratuit et c'est du trés bon!). Au sommaire, des articles et textes de fiction sur le thème "Monstres et merveilles" enrichies de superbes illustrations!

Ci-dessous, une aquarelle et collage de Pascale Mayeur Sarr...